Vis ma vie d’accompagnante

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Vis ma vie d’accompagnante

Il y a 6 choses que vous devez savoir sur mon métier d’accompagnante :

1- Il a un nom à rallonge

Déjà permettez-moi de vous préciser l’intitulé exact de mon job. Le blog, c’est pour le soir après le boulot. Dans la vie, je suis « accompagnante de personnes avec autisme et troubles apparentés ».

Oui oui, c’est long, c’est un peu pompeux, mais c’est son petit nom, au complet, à mon boulot, et à ma formation aussi d’ailleurs. Je suis titulaire de la licence pro du même nom, et d’une licence de psycho (mais bon maintenant que je vous l’ai sorti une fois, je me contenterai « d’accompagnante » pour la suite je vous rassure).

Au final, cela résume plutôt bien la chose, et mon champ d’action. Au quotidien, je travaille depuis maintenant quatre ans avec des enfants avec autisme, tous différents par bien des points, mais je n’en accompagne qu’un à la fois chaque année. J’aime bosser en « un pour un » et m’investir à fond dans un projet.

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2- Le GROS hic, c’est qu’il n’est pas reconnu par les conventions ! et que je suis payée à l’heure.

Et oui, c’est un nouveau métier, donc il n’est pas reconnu par la convention de 1966 médico-psycho-sociaux-machin. Je peux donc être rémunérée comme le souhaite mon employeur (sachant que sur l’échelle de compétence je suis sensée être entre l’éducateur spécialisé et le psychologue). Aie pas cool ! Et oui, ce sont les parents des enfants qui m’emploient, avec tout ce que cela entraîne comme inconvénients au niveau du salaire (pas le droit d’être malade, fatiguée, absente, en retard, en vacances, sinon ben pas payée les loulous).

3- Et sinon, une accompagnante, ça fait quoi ?

J’accompagne ! (non… sans blague ?) Ok ok, plus sérieusement : je suis un médiateur entre l’enfant autiste et le monde extérieur (les gens, les objets, l’environnement).

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Accompagner, ce n’est pas « faire à la place de », c’est « faire avec », en utilisant les techniques spécifiquement adaptées à chaque enfant dont je m’occupe, pour qu’il puisse finalement y arriver seul ! (ou de la manière la plus autonome possible). Parfois, il suffit d’un rien (un pointage, une petite impulsion sous le coude). Parfois il faut sortir le grand jeu (accompagner chaque geste, chaque pas, chaque mouvement). C’est différent pour chaque tâche et pour chaque enfant.

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4- Maintenant, j’ai mon propre projet !

J’ai la chance de travailler en collaboration avec une psychologue qui me connait bien et qui m’a donné l’opportunité de monter mon propre projet avec ma crevette de cette année, sur du long terme.

Un projet de vie.

C’est vous dire si ça peut être important parfois mon boulot. Comment faire pour préparer au mieux la Pitchoune à sa vie future ? Comment lui donner les clés pour être autonome ? Comment l’aider à poursuivre son développement de manière sereine et pertinente ? Voilà les questions que je dois me poser lorsque j’arrive chez elle chaque matin.

Et sinon qu’est-ce qu’on fait toutes les deux ? Et bien, on apprend à monter les escaliers, à allumer les lumières quand on n’y voit pas assez clair, à éteindre quand on quitte une pièce, à aller aux toilettes, à s’habiller, se déshabiller, à s’asseoir, à se laver les mains et les dents, à se laisser brosser les cheveux sans crier ou se mordre, à manger, à jouer, à danser, à parler, à interagir avec ses pairs, à regarder ce qu’on fait, à prendre les objets, à les poser ou les ranger.

On apprend à vivre en fait…

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5- Il y a des jours de pluie.

Parfois, vos quinze mille tendinites vous font souffrir le martyre et vous devez quand même porter le petit Crapaud jusque dans sa poussette et traîner leurs trente kilos à deux jusqu’au centre de loisirs.
D’autres fois, on se dit : punaise, j’aurais dû emmener mes boules quies ce matin. Les hurlements, les grincements de dents, les chuintements bizarres, les claquements de mains, la plupart du temps ça passe. Mais quand nous n’avez pas dormi, quand vous n’avez pas le moral, quand vous avez la crève et que vous devez faire comme si tout allait bien : pas le droit de craquer, car vous avez devant vous un vrai petit baromètre. Soit vous avez de la chance et Titine ne se rend compte de rien, soit elle se transforme en éponge et devient aussi irritable que vous.

6- Il y a même des orages.

Le plus souvent, ce n’est pas la Poulette qui me saoule, mais les gens qu’on peut côtoyer ensemble. Le genre de réactions qui me font grimper aux rideaux : un adulte qui se penche vers elle et qui lui hurle « BONJOUR CHOUPETTE CA VA ? ». Euh coco… elle est autiste, pas sourde. Les préjugés à la mords-moi-le-nœud du genre : les autistes ne regardent pas dans les yeux, ne parlent pas, sont tous HYPER intelligents, sont de vrais petits génies, piquent des crises pour rien, ont peur des gens. Comment ça elle a peur de s’asseoir ? Pourquoi elle ne veut pas monter les escaliers ? Pourquoi elle se bouche les oreilles ? Pourquoi elle tape dans ses mains ? Pourquoi elle est bizarre ?
Pourquoi ne se contentent-ils pas tout simplement d’observer pour essayer de comprendre ? Oui j’ai les clés, oui je suis formée et experte dans mon domaine, mais il suffit quelque fois d’un poil de bon sens pour toucher du doigt ce qui ne va pas.

Et puis le soleil se lève…

Etre accompagnante ce sont aussi ces petits moments de bonheur : quand la Grenouille me regarde bien dans les yeux et qu’elle me dit « t’es belle », « je t’aime » ou qu’elle me traite de « chipie », alors que la plupart du temps elle babille sans parler, quand elle m’adresse un sourire lumineux en fronçant son petit nez, quand elle réussit une activité difficile et qu’elle est fière d’elle, quand elle me fait des bisous en frottant son front contre le mien, quand elle fait une chose géniale à laquelle je ne m’attendais pas.

Parce que c’est ça, finalement, le plus beau dans ce métier, au-delà de tous les coups de gueule et de toutes les difficultés : c’est un lot de perpétuelles découvertes.

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10 réflexions sur “Vis ma vie d’accompagnante

  1. Pingback: [Education spécialisée] Les agressions dirigées vers l’autre dans l’autisme : quand on n’arrive plus à gérer… | Choup'N'Beauty

  2. ça doit effectivement être un métier beau et difficile. Et certainement peu connu et reconnu, comme tous ces métiers en général, d’ailleurs. Mais ça doit être tellement valorisant à titre personnel de se dire qu’on aide des petits à évoluer et à se sentir mieux et plus autonomes.

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  3. Très bel article, Aurore ! Franchement, je te tire mon chapeau et pas que pour ton article qui est très bien écrit et qui nous fait partager l’amour que tu porte à ton travail, mais aussi pour ce si beau métier que tu fais.. Car ces petits bouts ont besoin de gens comme toi 🙂
    Je ne connaissais pas spécialement ton travail, mais maintenant que je le connais je te dis BRAVO ! 🙂
    A bientôt !

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    • Coucou Marianne 🙂
      Merci pour tes gentils compliments ! C’est sûr que ce n’est pas trop le genre de sujets dont je parle à nos soirées en général car pas très léger mais bon ^^. Contente d’avoir pu t’en apprendre un peu plus à mon sujet 🙂
      Bisous !

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